Escherichia coli ne résiste pas aux antidépresseurs

Les antidépresseurs qui passent par la cuvette des toilettes n’ont pas pour effet de donner le sourire aux bouches d’égouts. En revanche, révèlent des scientifiques américains, d’infimes concentrations de fluoxetine, le principe actif du Prozac, contribuent à tuer les populations de bactéries des Grands Lacs américains. Des bactéries parmi lesquelles figure Escherichia coli, dont certaines souches particulièrement virulentes peuvent être dangereuses pour l’homme. E. coli est ainsi a l’origine d’une crise sanitaire qui a déjà fait plusieurs morts en Allemagne à la suite de la consommation de légumes infectés.

On trouve des traces d’antidépresseurs dans les eaux d’évacuation — voire dans l’eau du robinet — un peu partout dans le monde. Mais les concentrations sont trop faibles pour affecter les êtres humains, estiment les chercheurs. En revanche, le système reproductif de certains mollusques pourrait être touché, voire les cellules nerveuses des poissons.

Des traces de fluoxetine ont ainsi été décelées dans des échantillons d’eau prélevés non loin de plages du lac Érié, aux États-Unis. Steve Mauro, microbiologiste au Mercyhurst College, et ses collègues ont présenté leurs travaux le 23 mai lors du congrès annuel de la Société américaine de microbiologie. Doit-on se réjouir que des résidus d’antidépresseurs affectent des bactéries dangereuses pour l’homme ? “A priori, on se dit: c’est bien, parce que ces bactéries n’ont rien à faire là, précise Steve Mauro. Oui, mais qu’en est-il de toutes les autres bactéries supposées être là et qui font partie de cet écosystème ?”

Dans le cas du lac Érié, les chercheurs n’ont décelé que de très faibles niveaux de fluoxetine (environ 1 nanogramme par litre). Une dose dont ni un humain ni un invertébré n’a de raison de s’inquiéter. Mais la combinaison de la fluoxetine et d’autres produits chimiques pourrait avoir des conséquences sur tout l’écosystème du lac.

Reste à déterminer d’où vient la fluoxetine. A priori, celle-ci passe dans les égouts après avoir été ingérée sous forme de pilules d’antidépresseurs puis rejetée via l’urine — sans compter les pilules inutilisées rejetées directement dans la cuvette des toilettes. Et, en général, les stations d’épuration traitent peu ou mal ce type d’effluents (voir pour la France le récent rapport du Cemagref) Problème : les chercheurs soulignent qu’aucune sortie d’égout ou de station d’épuration ne se trouve aux alentours des plages près desquelles les prélèvements ont été effectués. Ce qui pourrait signifier que tout le lac Érié est contaminé.

Source : National Geographic Daily News

À lire également :
• dans le National Geographic France n°127, avril 2010 (numéro spécial “Eau”) : l’article Cocktail médicamenteux, sur la contamination des eaux françaises par les résidus de médicaments, et l’infographie pages 78-79.
• More drugs in Europe’s water

Photo : Le parc d’État de Presque Ile, sur le lac Érié, où ont été effectué des prélèvements d’eau (Daniel Dempster/Alamy)

Fabien Maréchal