Göran Tunström, écrivain suédois, ressemble à   d'autres auteurs nordiques en ce qu'il vous projette à des années-lumière des   normes communément admises de l'espace et du temps, avec une poésie, un   humanisme et un humour jamais démentis. Connaissez-vous les conséquences   malheureuses, a priori, d'un shoot mal ajusté d'un gamin de 10 ans dans son   ballon tout neuf, surtout quand celui-ci atterrit dans le jardin d'un   ambassadeur qui a une fille insupportable et que votre papa est préposé aux   annonces des cours du poisson à la radio tandis que votre maman disparue était   volcanique au sens propre? Bien sûr que non, car vous êtes de ce monde et Pétur,   le personnage central, a lui-même du mal à s'en convaincre. C'est qu'habiter au   12, traverse des Poètes, prédispose à l'extraordinaire.Le Buveur de Lune démarre comme un récit   d'enfance dans un pays où le gouvernement joue au Scrabble dans votre salon, où   le feu, la glace, l'industrie de la pêche, la liberté d'esprit et le surnaturel   sont les éléments primordiaux d'une vie normale. Il se poursuit sur la formation   encore pleine d'interrogations, de sentiment d'injustice parfois ou de   goguenardise d'un adolescent dont le repère jusqu'alors unique, son père,   s'étiole et se distend. Il s'achève (et prend son sens) sur tout ce qu'il   sous-tendait depuis le début, et de façon de plus en plus violemment réelle, en   l'occurrence l'histoire splendidement rendue et émouvante d'une relation   père-fils naufragée dans la déliquescence des années, de l'absence et de la vie   qui galope... quand elle ne s'effondre pas.
Ce roman déborde de vie parce qu'il   traduit à sa façon l'obsession du temps et de la mort. Drôle et original, Göran Tunström l'est sans aucun   doute. Il ajoute à ces qualités une écriture fluide, qui sait jouer, selon les   passages, sur la rapidité, la réduction, le détail comme la longueur. Mais s'il vous faut un argument plus terre-à-terre   pour vous convaincre d'écluser ce Buveur de Lune, sachez que je l'ai lu   en grande partie dans le RER et que pourtant, même dans la cohue des heures   de pointe, il a réussi à me faire rire et à me retourner d'émotion. Bon   voyage...
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