
Le Buveur de Lune démarre comme un récit d'enfance dans un pays où le gouvernement joue au Scrabble dans votre salon, où le feu, la glace, l'industrie de la pêche, la liberté d'esprit et le surnaturel sont les éléments primordiaux d'une vie normale. Il se poursuit sur la formation encore pleine d'interrogations, de sentiment d'injustice parfois ou de goguenardise d'un adolescent dont le repère jusqu'alors unique, son père, s'étiole et se distend. Il s'achève (et prend son sens) sur tout ce qu'il sous-tendait depuis le début, et de façon de plus en plus violemment réelle, en l'occurrence l'histoire splendidement rendue et émouvante d'une relation père-fils naufragée dans la déliquescence des années, de l'absence et de la vie qui galope... quand elle ne s'effondre pas.
Ce roman déborde de vie parce qu'il traduit à sa façon l'obsession du temps et de la mort. Drôle et original, Göran Tunström l'est sans aucun doute. Il ajoute à ces qualités une écriture fluide, qui sait jouer, selon les passages, sur la rapidité, la réduction, le détail comme la longueur. Mais s'il vous faut un argument plus terre-à-terre pour vous convaincre d'écluser ce Buveur de Lune, sachez que je l'ai lu en grande partie dans le RER et que pourtant, même dans la cohue des heures de pointe, il a réussi à me faire rire et à me retourner d'émotion. Bon voyage...
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