Ce livre m'est particulièrement cher. Pour tout dire, c'est un des plus grands chocs littéraires que j'ai jamais pris. Tous les noms est le deuxième volume d'une trilogie que le prix Nobel portugais Jose Saramago a débuté avec L'Aveuglement (sans doute le plus faible des trois) et terminé avec La Caverne, extraordinaires relectures (oui, au pluriel...) du mythe platonicien du même nom appliquées à l'évolution de la société marchande.
Tous les noms narre l'histoire d'un monsieur José, employé d'une administration kafkaïenne qui classe les fiches d'identité des vivants et des morts. L'anti-héros va partir à la recherche d'une femme imaginée à partir d'une de ces fiches. Tous les noms propose une puissante réflexion sur le destin, la volonté, la place de chacun dans la société, les lois et les rapports humains. Rien que ça? Non: plus encore.
Tout comme Italo Calvino, Saramago accompagne son lecteur en ami, fait décoller l'intelligence que l'on croyait s'être attachée au plancher des vaches. Une prose extrêmement travaillée et qui, puisque c'est une réussite, n'en a pas l'air. Cette maîtrise littéraire permet à Saramago de tutoyer des styles d'écriture très différents et d'utiliser chacun au mieux selon les besoins du récit, avec toujours sa façon très particulière de poser les dialogues. Enfin, un dénouement qui a laissé une amie au bord des larmes, non parce qu'il donne dans le sentiment barbaracartlandien mais parce qu'il clôt un chemin magnifique pour s'ouvrir sur une plaine, celle des pensées qui vous accompagneront des semaines durant après avoir refermé ce livre.
Tous les noms offre une rare jubilation de lecture, même s'il n'est pas forcément d'une grande gaieté. Dernière chose: entamez Tous les noms en toute tranquillité, quand vous avez du temps, morcelez le moins possible sa lecture. C'est beaucoup mieux qu'un chef-d'oeuvre, c'est un bonheur.
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