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Nouvelles à ne pas y croire

les premières pages

 

Nouvelles à ne pas y croire - Fabien Maréchal - éditions DialoguesC’était un jour d’orage sec. Les volets de la cuisine s’amusaient à claquer contre la façade, bien qu’il n’y eût pas le moindre souffle de vent. J’ai ouvert la fenêtre pour les fixer avec les loquets. Des éclairs lézardaient le ciel et découpaient la silhouette du cerisier, dans le jardin. L’air se chargeait d’électricité. Les poils se dressaient sur mes bras. Soudain, j’ai senti une masse m’effleurer à toute allure. Trop tard.

La cafetière s’est perdue dans l’éblouissement d’une voûte violette, avant que l’obscurité ne l’engloutisse.

Les objets ne sont pas comme les chiens. Quand ils disparaissent, ils ne reviennent jamais vers leur maître. Au bout de deux semaines, nous avons cessé de nous nourrir d’illusions.

«Nous devrions acheter une nouvelle cafetière, ai-je suggéré à Cécile.

– Encore un prétexte pour faire un tour. »

Cécile n’avait pas tort. Depuis que ma guimbarde a décidé de ne plus perdre d’huile et de doubler en côte les Mercedes désormais agonisantes, nous nous amusons bien, elle et moi.

Mais je ruminais en pénétrant dans le supermarché. Une cafetière nous avait quittés ; peut-être que plus aucune ne voudrait jamais de nous.

J’ai baguenaudé dans le rayon, l’air innocent, les yeux dans le vague, pour ne pas effrayer les différents modèles. Les emballages semblaient se tasser quand je passais près d’eux.

J’ai atteint le bout de l’allée, fait mine d’hésiter, puis je suis revenu sur mes pas. Je me suis écarté pour laisser passer de ces gens au front rouge qui poussent des chariots vides, errant à travers les rayons en quête d’un inaccessible achat compulsif.

Ceux-là n’ont pas fait leur deuil.

C’est court, deux mois, pour faire le deuil de toute une vie. D’une civilisation.

 

Deux mois plus tôt, à la même heure, je sortais de l’épicerie du village voisin. Deux sacs en plastique me tiraient sur les bras. Je les déposai dans le coffre de ma voiture, démarrai au starter et fis demi-tour sur la place de l’église, monument aux morts se dresse vers le ciel comme un procureur, puis empruntai l’étroite départementale à travers champs. Je roulais lentement sur le goudron cabossé, percé d’herbes folles, en où le sifflant Les Joyeux Bouchers. Le volant dans une main, un coude sur la portière à la vitre ouverte, je regardais à moitié les nids-de-poule et à moitié ces étendues dont le vert se ternissait doucement. Certainement, si j’y avais prêté attention, j’aurais perçu les chants des oiseaux.

Au lieu de cela, j’entendis tambouriner.

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