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L'Attendeur (de première classe)
roman - en librairie le 8 octobre 2024
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LES EXTRAITS DU LIVRE« Vous êtes un keuf ? — Non. Je ne porte plus l’uniforme. — Sérieux, avant, vous étiez dans la police ? » Ils sont cinq adolescents, âgés de seize ou dix-sept ans à vue de nez. Je les vois fréquemment, eux ou d’autres peut-être, assis sur ce même muret. C’est à côté de l’arrêt de bus Convention, au bas d’un immeuble de huit étages où les urines canines font dépérir l’avancée arbustive sur la rue Lecourbe. Un peu plus loin, une glycine mauve et un lilas blanc sèment au vent leurs pétales et leurs senteurs doucereuses. Une obscurité humide de fin d’après-midi s’avance déjà, et je me demande comment font les jeunes pour ne pas grelotter dans leurs sweats à moitié ouverts. « Non, dis-je. Ça n’a rien à voir avec la police. J’étais une sorte d’agent. » Auparavant, j’étais ce que je faisais : Attendeur. Souvent, la question revient à ça. « Qui êtes-vous ? » signifie : « Quel métier exercez-vous ? » ; avec en filigrane : « Vous pesez combien, en kilos euros ? » Le plus important est de répondre, pas que la réponse soit juste, et la plupart des gens préfèrent se rattacher à une identité qui n’est pas la leur, que ce soit leur activité professionnelle, leur apparence, ou la musique qu’ils écoutent, à l’instar de ce boum-daboum-boum-daboum sortant d’une enceinte sans fil posée sur le muret et agrémenté de paroles qui susciteraient une nouvelle controverse de Valladolid à l’Académie : français or not ? « Z’étiez une sorte d’agent comment ? Secret ? — Non, mais j’avais des missions, il ne fallait pas en parler. Et puis, un jour, ça a mal tourné. »
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Pourquoi les aiguilles des horloges effectuent-elles le tour d’un cadran au lieu de monter et descendre le long d’une colonne, comme le mercure d’un thermomètre ? On aurait moins le sentiment de tourner en rond. Bien sûr, les secondes n’en finissent jamais de mourir au musée du monde, et le billet d’entrée n’est pas valable éternellement, mais enfin, vous connaissez ce dessin de Charles Schulz ? Charlie Brown et Snoopy sont assis sur un ponton, au bord de l’eau. « Nous allons tous mourir un jour », se désole Charlie Brown. Et Snoopy lui répond : « Mais pas lors des autres jours. » Il circule une traduction moins littérale, mais plus exacte du propos de Snoopy : « Oui, mais tous les autres jours, nous allons vivre. » C’est la version que je préfère. Ce n’est pas parce qu’il est impossible de faire reculer le temps qu’il faut renoncer à casser la gueule aux chronomètres.
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